Alexandro Christi Nicolas

Trop semblables ou trop différents?

 

« Je te parie ce que tu veux que leur relation ne va pas faire long feu. Ils vont s’ennuyer ensemble. Ils se ressemblent trop. »

« Je ne pense pas qu’ils vont rester longtemps ensemble, ils sont trop différents l’un de l’autre ».

Combien de fois avez-vous entendu ces phrases ? Des centaines de fois je suppose. Moi je les ai trop entendues à mon goût. Je les ai entendues alors qu’on parlait de personnes autres que moi, je les ai entendues alors qu’on parlait de mes relations et on me les a même dites une ou deux fois.

Par exemple, il y a cette expérience avec une ex petite amie. Après notre rupture, je lui ai demandé pourquoi d’après elle cela n’a pas marché entre nous. Elle m’a répondu que nous étions trop différents, que cela n’aurait jamais pu durer et qu’on aurait dû le savoir dès le départ. Des années plus tard, je n’ai toujours pas compris son raisonnement.

Cependant il est dit que les contraires s’attirent, non ?

 

Il ya quelques années, je faisais la cour à une jeune fille. J’ai essayé toutes les stratégies que j’avais dans ma besace mais rien ne s’est fait. Après un ultime échec, je lui demandai la raison de son refus. Elle me répondit que je lui plaisais énormément mais que cela ne pourra jamais marcher entre nous parce que nous sommes  trop semblables.

Pourtant j’ai souvent entendu dire que qui se ressemble s’assemble.

D’ailleurs, sur les sites de rencontre on ne te propose les personnes avec lesquelles tu as le plus de choses en commun.

Faut se décider à la fin !

 

Pour qu’une relation dure, pour vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants, il faut que les partenaires soient très semblables ou très différents l’un de l’autre ? Jusqu’à quel point sommes-nous trop semblables ou trop différents pour nous mettre ensemble ? Doit-on, comme des funambules, trouver l’équilibre parfait entre différences et ressemblances pour s’assurer que notre relation puisse voir de beaux jours ?

Aujourd’hui je suis en couple avec une nouvelle fille. Tout semble bien aller. Nous avons beaucoup de choses en commun mais aussi quelques points de différences. J’ai découvert chez elle quelques petites choses qui normalement devraient me déranger et que je n’aurais pas supportées chez une autre, mais chez elle, elles me paraissent charmantes.

Jusqu’à présent nous filons le « parfait amour ». Serions-nous parvenus à trouver l’équilibre entre nos différences et nos ressemblances ? Sommes nous deux personnes ni trop semblables ni trop différentes l’une de l’autre ? L’avenir seul nous le dira.  J’espère toutefois que cela ne soit pas trop beau pour être vrai.


Samantha Colas, la star des enfants en Haïti

Samantha Colas fait partie de cette petite catégorie de jeunes haïtiens ayant décidé de tracer leur route sans se laisser prendre au piège du « prêt à tout pour réussir »  au sein d’une société où les tentations sont multiples. Simple dans ses tenues, sans artifices ni excès de maquillage, elle est sans conteste l’une des personnalités préférées des enfants en Haïti. Animatrice de Soleil d’été (l’une des émissions les plus prisées du pays), elle se prépare à enfiler son costume pour la neuvième année consécutive. Mais juste avant de lancer l’édition 2017 de ce grand concours de chant pour enfants, elle a décidé de passer nous faire un petit coucou au studio d’entremeslignes.

 

« Je n’aime pas du tout parler de moi », me dit-elle quand je lui propose cette entrevue. Elle a quand même baissé la garde pendant quelques minutes, et me répondit avec toute la sincérité qu’elle a en elle.

 

Qui est Samantha ?

C’est à l’hôpital Saint François de Sales (Port au Prince) que Samantha poussa son premier cri le 17 octobre 1992. Étant enfant unique, elle n’a pas la chance d’avoir petites sœurs et petits frères avec qui jouer, mais ceci ne l’empêche pas d’avoir une grande affection pour les enfants. C’est cette affection qui lui donna envie, dès son plus jeune âge, d’être pédiatre.

 

Quel type d’enfance as-tu eu ?

  • R: J’ai eu une enfance très heureuse. J’ai grandi en étant enfant unique donc j’étais plutôt choyée mais j’étais du coup trop protégée.

 

Quel genre de relation as-tu avec tes parents ?

  • R: Mon père est décédé alors que j’étais toute jeune et j’ai toujours eu de très bonnes relations avec ma mère.

 

Quel est le premier métier que tu as rêvé de faire ?

  • R: Dès mon plus jeune âge j’ai commencé à caresser le rêve d’être pédiatre.

 

Quelle a été ta première passion ?

  • R: De très tôt je suis tombée en admiration pour la danse.

 

À l’adolescence de quoi rêvais-tu ?

  • R: À cette époque je rêvais de pouvoir voyager partout.

 

Un mot pour résumer ton enfance 

  • R: heureuse.

 

Un mot pour résumer ton adolescence

  • R: tranquille.

 

 

Soleil d’été un tournant dans sa vie

En 2009, alors âgée de 17 ans, Samantha allait avoir l’occasion de passer du temps avec les enfants. Mais pour ce faire, elle n’eut point besoin des notions médicales ni de porter blouse et stéthoscope. Un micro et son charisme naturel suffirent. Samantha qui n’avait jamais pensé à une carrière d’animatrice de télévision se vit confier l’animation de Soleil d’Été, ce concours de chant pour enfants organisé par la Télé Soleil. Neuf éditions plus tard, Samantha anime ce concours avec le même plaisir qu’au début.

 

Samantha : formation et projets

Après ses études classiques – études effectuées à l’Institution Grâce Flore et chez les Sœurs de la Charité de Saint Louis de Bourdon- Samantha se laisse séduire par ce qui la passionne depuis déjà plusieurs années : la communication.  Elle s’inscrit donc à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Notre Dame d’Haïti et devient membre de la première promotion de cette jeune faculté. Sa licence obtenue depuis quelques mois, elle décide de construire son avenir au jour le jour à partir de trois éléments qui lui sont chers : sa passion, ses rêves et ses objectifs.

 

Samantha à la loupe

Samantha se décrit comme une fille bien plus ordinaire que ce que l’on pourrait penser. Elle se dit joviale, de bonne compagnie et est très fan de feuilletons télévisés. Selon elle, son seul petit défaut c’est sa grande passion pour le sommeil… Il suffit qu’elle passe près de son lit pour succomber à son charme et se jeter dans ses bras.

 

Ta couleur préférée ?

Elles me vont toutes tellement  que je ne voudrais pas faire de jalouses entre elles (rires).

Ton plat préféré ?

Pâté kòde.

Ton dessert préféré ?

Cheese-cake.

Ta boisson préférée ?

L’eau.

Ton sport préféré ?

La danse.

Ta chanson préférée ?

Ma Rose (zin).

Ton groupe musical préféré ?

Carimi.

Ton livre préféré ?

La mal aimée de Margaret Papillon.

Ton film préféré ?

Les dieux sont tombés sur la tête.

Tes acteurs préférés ?

Cameron Diaz, Mr Bean, Jackie Chan et Nicolas Cage.

Ton jour préféré ?

Vendredi.

Ton passe temps préféré ?

Faire rire mes amies.

 

 

Si tu devais tout recommencer, que changerais-tu ?

J’accorderais quelques années de plus à mon cher papa.

 

Si tu devais remercier une seule personne pour tout ce que tu es, qui serait-ce ?

Ma mère, parce qu’elle avait choisi de me garder. C’est là mon point de départ.

 

Complète ces phrases :

  • Le bonheur c’est… une réalité.

 

  • Samantha est… amicale.

 

Merci de m’avoir accordé cette entrevue !

Tout le plaisir était pour moi Sandro.

 

Oups ! Désolé. Une dernière question. Samantha Colas, serait-elle un cœur à prendre ?

« Cela fera peut-être l’objet d’une autre entrevue » me répondit-elle avec un large sourire.

 


Vous êtes plutôt séries américaines ou telenovelas ?

 

« Ya trop de séries, je dors plus la nuit donc sur ma bio j’ai plus de vie sociale même quand je dors je rêve en HBO » Youssoupha dans Memento.

 

Jack Bauer, Michael Scofield, Olivia Pope, Franck Underwood, Barney Stinson, Walter O’Brien, Cookie Lyon, Grey, Mikaelson, Lannister. Quel jeune peut me dire qu’il ne connaît aucun de ces noms ? Depuis quelques années, les personnages de séries télévisées rentrent les uns après les autres dans notre vie et y occupent  à chaque fois une place de choix.

La première série que j’ai regardée de ma vie c’est Beautés Désespérées. Une série de fille me diront certains, mais il faut comprendre que je débutais. Ensuite je suis tombé sur la pépite qu’est Prison Break et j’en suis devenu accro au point de regarder les quatre premières saisons à trois reprises. C’était toujours un plaisir fou de raconter l’épisode de la veille à mes camarades de classe qui l’avaient raté.  La cinquième et dernière saison m’a toutefois déçue. C’était la saison de trop. Entre temps je suis passé par tous les genres de séries : de Scandal à House of Cards en passant par Scorpion, Suits, Plus belle la vie, Disparues, H, How I met your mother, Windeck, Jikulumessu, etc.

Ce que j’aime par dessus tout avec les séries c’est leur diversité de genres, il y en a pour tous les goûts. Des séries médicales comme Grey’s Anatomy et Dr House, des séries musicales comme Glee et Empire, des séries de profilage criminel comme Criminal Minds et NCIS, des séries de vampires comme Originals et Vampire Diaries, des séries comiques comme Ma famille d’abord  et Friends, des thrillers comme The walking dead et Breaking Bad, des séries jeunes comme Gossip Girl et Pretty Little Liars. Hommes et femmes, jeunes et vieux trouvent donc chaussures à leurs pieds.

De plus, les sujets, intrigues, trames et acteurs sont très satisfaisants.

 

Walking dead
Crédit Photo : Coombesy via Pixabay

 

Sans que nous ne nous en rendions compte, les séries dictent certaines de nos habitudes.

Par exemple, depuis que j’ai regardé « Lie to me » j’essaie de déceler les petits signes de mensonge chez tous mes interlocuteurs. Donc si tu me vois te fixer quand tu me parles ce n’est pas un manque de respect, j’essaie juste de voir si tes pupilles sont dilatées ou non.

Aussi depuis Scandal et Empire, je cherche la femme « parfaite » c’est-à-dire une femme moitié Olivia Pope et moitié Cookie Lion.

Il existe bon nombre de personnes qui ne regardent pas les séries que pour le fun. Je connais certains étudiants en médecine, par exemple, qui regardent Grey’s Anatomy à des fins académiques et je trouve cela super intéressant. Toutefois, si je me rends à une clinique et que le médecin me dit qu’il va me traiter selon la méthode Dr House, je prendrai mes jambes à mon cou.

Ce qui me dérange par contre avec certaines séries c’est quand tu commences à prendre plaisir à l’histoire et tu apprends que la série a été arrêtée.

 

Déception
Crédit Photo : Tumisi via Pixabay

 

Il est évident que les séries ont pris une place importante dans notre vie au cours de ces dernières années. Elles font partie du top 3 des sujets de conversations de beaucoup de personnes. On se les partage, on se les échange. Elles tendent peu à peu à remplacer les telenovelas, et franchement je suis impatient de voir ce qui les remplacera à leur tour.

Mais avez vous souvenir de l’époque où les telenovelas faisaient rage en Haïti ?

 

Rosalinda, Milagro, Barbarita, Preta, Marina, Rubi, autant de prénoms qui ont bercé mes jeunes années. Ce ne sont pas les prénoms de mes amies d’enfance ni ceux de mes amourettes mais plutôt les prénoms d’actrices de telenovelas. Ô combien de telenovelas j’ai dû regarder pendant les belles années de mon enfance. Je ne ratais que rarement une séance. Ce n’était pas les « feuilletons » (comme on les appelle chez nous) qui me plaisaient en soi, mais plutôt l’ambiance qui était créée autour d’eux à la maison.

On les regardait chaque soir tous ensemble en famille.

A cette époque j’adorais les fréquentes coupures d’électricité parce que quand cela arrivait, quelques voisines se joignaient à nous dans le salon. Du coup, nous étions tous scotchés devant un petit téléviseur qui diffusait des images en noir et blanc, dont l’écran était à peine plus large que l’écran d’un Samsung Galaxy et que mes parents branchaient sur deux batteries. Faut dire qu’à l’époque mes parents se procuraient tout ce qui pourrait les empêcher de rater un épisode.

 

Un petit téléviseur
Crédit Photo : SplitShire via Pixabay

 

Pendant les 45 minutes que durait l’épisode du jour, la maison était le théâtre de fous rires, de quelques pleurs, d’énervement, de scènes d’hystéries et de quelques séances de traduction parce que quand nous ne pouvions pas attendre que les versions françaises soient disponibles, nous regardions les telenovelas dans leur langue d’origine : l’espagnol. Après chaque épisode de 45 minutes nous avions tous hâte d’être au lendemain tellement le suspens était fort.

Est ce pourquoi tout fan de « feuilletons » qui se respecte adorait les fins de semaine parce qu’en fin de semaine on diffusait plusieurs épisodes en continue. Cela nous donnait l’occasion de visionner les épisodes que nous aurions ratés et aussi regarder à nouveau ceux déjà vus puisqu’on n’en avait jamais assez.

La scène qui se jouait dans mon salon chaque après midi avait lieu dans plusieurs maisons du pays puisque presque tous les haïtiens étaient atteints de cette fièvre de telenovelas.  Toutefois, certains hommes vous diront n’en avoir jamais regardé sous prétexte que ce sont des trucs de filles.

Quelques hommes refusaient même que leur moitié les regarde  de peur que celles-ci ne se laissent influencer par les actrices qui étaient très souvent infidèles, menteuses et manipulatrices.

Personnellement je trouvais les sujets de telenovelas tous pareils, leur trame prévisible et les acteurs mauvais pour la plupart. Mais les actrices étaient super jolies. Les années n’ont pas pu effacer les traits de Marina et de Preta de ma mémoire. Encore moins les yeux de Rubi. Elle avait de ces yeux ! Je n’ai jamais revu de tels yeux de toute ma vie.

 

J’aurais pris mon plaisir à vous parler plus longuement des beaux yeux de Rubi mais je dois vous laisser car « winter is coming ». Que dis-je! « winter is here ».


Je m’appelle Christi, et toi ?

« Les noms que l’on nous donne autant que nos visages sont de secrets flambeaux où l’âme parfois luit. » Georges Sylvain  

 

En Haïti nous sommes pour la plupart d’origine Africaine mais tu ne trouveras pas beaucoup de Ousmane, de Diarra, de Awa, de Zahira, de Aba, de Aziz, de Moussa, de Mamadou, de Souleymane ou de Jabulani chez nous. Non, les parents haïtiens ne se réfèrent pas à leurs ancêtres africains pour choisir le prénom à donner à leur enfant. Au moment de prendre cette décision très importante dans la vie de tout parent, ils se tournent vers d’autres méthodes. Voici cinq parmi les méthodes les plus utilisées.

 

Méthode #1 : L’héritage des grands parents ou des parents

Chez moi nous sommes à fond dans la transmission. Les prénoms tout comme certaines  traditions ne meurent pas, ils sont transmis de génération en génération. Assez souvent le premier  réflexe des parents quand ils doivent donner un prénom à leur enfant c’est de réutiliser un prénom qui était déjà dans la famille. Le prénom d’un grand parent, par exemple, ou celui du père suivit d’un junior, du suffixe « son » ou du chiffre II. Méthode simple mais efficace. Et devine lequel des enfants est le plus souvent victime : l’ainé voyons. Premier arrivé, le mieux servi.

 

Méthode #2 : La combinaison des prénoms des deux parents

Cette méthode demande parfois plus de recherche et d’imagination. C’est aussi une méthode très connue et très appréciée chez nous. Tu trouveras même une jeune fille te dire en parlant de son petit ami « nos prénoms vont bien ensemble, si un jour on a des enfants on pourra leur composer de beaux prénoms à partir des nôtres. » Et crois-moi sur parole, avoir un beau prénom te rapporte des points quand tu fais la cour à une fille.

En effet certains prénoms donnent lieu à de jolies combinaisons comme Leslie-Anne, Lou-Anne, Willoveda, Jeffline, ou encore Evedouarlyne. Mais un conseil : si vous vous appelez Alexandro et Alexandra ne faites pas de combinaison je vous en supplie. Votre enfant vous en remerciera.

 

Méthode #3 : Selon le nom du Saint en rapport avec la date de naissance de l’enfant

Nous haïtiens nous sommes très croyants. Bien que nous n’ayons pas tous les mêmes croyances, nous plaçons tous notre foi en quelque chose ou en quelqu’un. Si une fille nait au sein d’une famille catholique un 13 mai, il y a de fortes chances qu’on la prénomme Fatima. Certains croyants tireront le prénom de leur enfant de la Sainte Ecriture. Cela donnera lieu à du Marie, du Simon, du Pierre, du Paul etc. Cependant, il n y a pas beaucoup de chances de tomber sur un Judas par contre. Tu auras compris pourquoi.

 

Méthode #4 : Le prénom du joueur de foot préféré des parents

L’haïtien  typique est grand fan de foot, donc ce n’est pas étonnant  de tomber sur des enfants haïtiens appelés Leo,  Leona,  Cristiano,  Ronaldo, Neymar, Messi, etc. Toutefois, tu ne trouveras pas de Kaká. C’est un risque que les parents ne sont pas prêts à courir.

Certains prénoms sont tirés d’un roman ou d’un film.

 

Méthode #5 : Un prénom de reconnaissance et de remerciement

S’il y a une qualité que nous avons chez nous c’est la reconnaissance. C’est pourquoi si deux parents haïtiens peinaient pendant longtemps à avoir un enfant, quand cet enfant viendra finalement au monde, ils lui donneront certainement un prénom formé à partir du mot « Dieu ». Cela donnera donc du Dieuseul, du Dieusibon, du Dieudonne, du Dieuquidonne, du Dieudonné, du Mèsidieu, du Dieusoitloué, du Dieubon, du Dieumène, du Dieul’homme, du Dieukifè, du Dieumèt, du Dieusauveur ou encore du Lamèsi, du Jezila etc. Moi aussi je fais partie de cette dernière catégorie. On m’a appelé Christi pour dire que je suis le fils du Christ et pour le remercier de ma naissance.

 

Toi qui lis mes lignes, ou plutôt qui lis entre mes lignes, je ne sais pas quel prénom tu portes ni pourquoi tes parents te l’ont donné mais vis ta vie de manière à ce que ton prénom soit une inspiration pour certains parents.


Embrasse-moi en public

Pour beaucoup de personnes, les sentiments amoureux ne sont sincères et vrais qu’à partir du moment où on commence à les exprimer en public : que ce soit par un regard tendre, un clin d’œil complice, un sourire amoureux, un câlin affectueux, en se touchant, en  se tenant par la main, ou par un baiser. Faire l’un de ces gestes, ou les faire tous, en présence d’autres personnes (connaissances ou inconnus) serait une grande preuve d’amour. En posant l’une de ces actions en public, l’on prouve à notre tendre moitié qu’on l’aime vraiment et qu’on n’a pas peur que les autres sachent qu’on s’est entiché d’elle.

Toutefois, en Haïti, on exprime difficilement nos sentiments en public. Ce n’est pas tant de la timidité ou de la pudeur qui nous empêche de le faire. Je dirais plutôt que c’est culturel. Cela nous vient de notre éducation. Bon nombre d’haïtiens ne sont pas éduqués de façon à exprimer leurs sentiments en public et parfois même en privé.

 

Autant que je me souvienne, jamais je n’ai vu mes parents s’embrasser. Détrompez-vous ; ils s’embrassaient. Mais ils le faisaient en privé, à l’abri de tout regard, dans la confidence de leur chambre et avec la complicité du noir.

Me reviennent encore en mémoire les stratégies inspirées que ma mère utilisait pour dire au paternel combien elle tenait à lui ou pour lui faire des propositions « d’ordre sexuel » en ma présence. Comme à cet âge je ne comprenais que le créole haïtien et le français, elle lui faisait ses déclarations et ses avances en espagnol ou en anglais. Ce n’est que plus tard, quand j’ai appris ces langues à l’école que j’ai compris à quel point ma mère était amoureuse et « dezòd » (passionnée).

 

Au sein de certaines familles haïtiennes, les parents ne se disent pas et ne disent pas « je t’aime » à leurs enfants. Exprimer son amour est tabou au sein de nombreuses maisons. Pour certains parents, subvenir aux besoins de l’enfant est LA preuve de leur amour alors pourquoi devoir le dire ou l’exprimer d’une autre manière ?

Personnellement, j’ai toujours eu du mal à dire à ma mère combien je l’aime et il n y a pas plus grande honte pour moi que ma mère qui me câline en présence de mes amis. Aussi, si je disais à mes frères que je les aime ils me demanderaient si je suis tombé sur la tête ou si j’ai besoin d’un service. Uniquement parce qu’exprimer ses sentiments n’est pas monnaie courante chez nous.

 

En Haïti, tenir la main de sa moitié est chose courante, mais si deux personnes se hasardent à échanger un baiser en pleine rue, personne ne va pas rester indifférent à cette scène assez rare dans notre quotidien. Dans le meilleur des cas, on va s’arrêter pour les applaudir, les féliciter et les taquiner. Mais dans le pire des cas, ils seront traités de tous les noms. On leur dira qu’ils sont sans pudeur et on leur conseillera de se prendre une chambre. Il y a de fortes chances qu’on leur dise cela « se twòp fim nou gade wi » (si vous le faites c’est parce que vous avez trop souvent vu cette scène au cinéma). Comme pour dire qu’exprimer son amour  en public c’est une pratique importée, que cela ne fait pas partie de notre culture.

C’est sûrement ce qui explique que le moment le plus attendu d’un mariage haïtien c’est celui du baiser. Cela explique aussi la gêne de certains mariés au moment de s’embrasser et les réactions, parfois bizarres, du public à la scène du baiser.

Je sais qu’un fait culturel ne change pas du jour au lendemain. Il faudra que les générations futures soient élevées de manière différente pour qu’un jour exprimer ses sentiments en public devienne normal pour les haïtiens.

Je suis sûr que ce geste ne changera rien à la situation mais la prochaine fois que je rencontre ma tendre moitié, je l’embrasse…en public.